mardi 23 décembre 2014

Le rêve secret de Sophie, une petite histoire pour le temps des Fêtes

Voilà donc le texte. C'est sans prétention, pour le plaisir d'une note arc-en-ciel à ce temps de l'année.
Je souhaite un super beau temps des Fêtes à toutes et à tous, que ce soit dans une solitude sereine ou des danses endiablées!

********************************************************************************

Elle[i] était une fois, une petite fille prénommée Sophie. Habituellement enjouée, voilà qu’elle se sentait très triste. Noël approchait pourtant. Natasha, sa meilleure amie, frétillait : elle concoctait d’interminables listes de cadeaux et rêvait du réveillon, de la visite, des surprises. Ses yeux scintillaient! Sophie, au contraire, morose, n’était même plus certaine de vouloir grandir. Jusqu’aux vacances des Fêtes qui ne la réjouissaient plus. C’était de la faute à Natasha.
Les deux copines s’étaient juré fidélité à la vie à la mort. Un pacte. Jamais elles ne se laisseraient tomber! Or, voilà que Natasha déclama qu’elle marierait Ludovic, de la classe voisine. Sophie, abasourdie, se sentit trahie. Elle pleura beaucoup ce soir-là, en cachette. Une tempête, née dans son ventre, arrivée d’un coup, avec des éclairs qui lui déchiraient l’abdomen, la torturait. Sa maman Gabrielle l’entendit gémir dans sa chambre et décida de la garder à la maison le lendemain. La petite faisait un peu de fièvre. Mais Sophie ne dit rien, incapable d’expliquer ce qui n’allait pas.
Courageuse, la fillette profita du congé pour finaliser sa liste de cadeaux destinée au père Noël. Cela ne la réconforta pas. Il en fallait davantage. Si elle écrivait à la Fée des Étoiles-qui-éclairent-la-nuit, peut-être celle-ci comprendrait-elle mieux? Elle s’y mit et lui confia son vœu le plus cher. Elle conjurerait le mauvais sort! Si son souhait, si important, ne se réalisait pas, elle ne croirait plus ni au père Noël ni à la Fée des Étoiles. Il lui fallait vaincre l’ombre. Sa mère posta au pôle Nord les précieuses missives.
Sophie combattait au mieux la tempête dans son ventre, mais celle-ci prenait de l’expansion et éteignait même le pétillement de ses yeux. L’enfant dut retourner en classe.
Arriva le moment de choisir et de monter l’arbre de Noël. Sophie eut l’idée d’inviter sa marraine Mathilde – n’avait-elle pas une meilleure amie elle aussi? Sa maman savait à quel point sa fille adorait sa sœur et trouva l’idée géniale. Gabrielle s’inquiétait, elle avait lu les lettres.
Tout en participant au montage du sapin et des décorations, Mathilde, informée, observait sa filleule. Prenant une pause, la marraine s’assit près d’elle.
– Tu sais, la fête de Noël existait bien avant le petit Jésus. Ça portait d’autres noms. On fêtait le début du monde. Connais-tu le solstice d’hiver? 
− Jésus, je ne le connais pas tant que ça, alors là, ton affaire! répondit Sophie, la mine étonnée.
− Le solstice d’hiver marque la fin d’une année et le début de la nouvelle. Il s’agit de la nuit la plus longue de l’année. Après la grande noirceur vient le retour de la lumière, de la vie, une minuscule minute à la fois.
Sophie devint très attentive, elle raffolait de ces histoires.
− Dans les temps anciens, l‘on soulignait le printemps, le temps des semences, puis la plus longue journée, le solstice d’été. Venaient les moissons et finalement, l’hiver où tout recommence! Chaque saison donnait lieu à de grandes fêtes!
Mathilde étreignit sa préférée et enchaîna :
− Le sapin, lui, qu’est-ce qu’il a de particulier?
Sophie réfléchissait, se grattait la tête. Elle en avait oublié ses soucis, suspendue aux lèvres de sa marraine. Devant tant de réflexion, Mathilde ajouta un indice.
− Par rapport à un érable par exemple?
– Il reste toujours vert!
− Exact! C’est pour ça qu’il représente l’arbre de vie. Y vivait Lilith, la première femme. Une femme libre comme le vent! Libre de choisir ses amours, égale à l’homme, pleine de connaissances.
La marraine se tut un moment et poursuivit :
− Quand on entend le vent dans les arbres, c’est elle. – Elle baissa encore le ton. − Il y en a qui n’aimaient pas ça une telle femme, alors ils ont ajouté Ève et transformé Lilith en méchante sorcière. Mais en réalité, je te le répète, elle vivait libre, soumise à personne!
– Une sorte de fée? souffla Sophie sur le même ton, ravie par ce récit. Vraiment, Mathilde incarnait la véritable fée-marraine.
La mentore acquiesça d’un air entendu. Ça avait bien de l’allure. Puis, elle se mit à discuter avec sa sœur de la réception du 26 décembre.
– Pourquoi pas à Noël? s’enquit Sophie.
– Oh! C’est en plus! Pour une cérémonie spéciale. Cette année, le solstice et la lune  noire ont lieu en même temps, le 21 décembre.  Ce sera le règne des ténèbres! Le 26 sera la première journée avec une minute de plus de clarté! Alors, on fêtera la lumière : la lune croîtra et le jour allongera. Chloé et moi avons décidé d’organiser chez nous, le 26… un rituel pour souligner notre engagement mutuel. Nouvelle année, début d’un temps nouveau!
Mathilde esquissa un sourire coquin. Sophie fronça les sourcils, quelque chose se transformait. Un joyeux gargouillis lui chatouillait le nombril. Qu’était-ce donc que cette affaire d’engagement mutuel?
– Ta mère est au courant, mais chut! Garde le secret! Je ferai la surprise aux autres!
Les deux sœurs observaient une lueur s’installer au fonds des prunelles de la fillette. Complices, elles avaient visé juste. Toutefois, quelque chose échappait encore à Sophie.
Les dernières semaines d’école se passèrent mieux, mais la tristesse – comme une petite valise grise traînant dans le cœur de Sophie – revenait lorsqu’elle croisait Natasha.
À Noël, elle reçut ses cadeaux, sauf l’essentiel. Peut-être aurait-elle sa réponse le lendemain? Sophie désirait ardemment, tout comme sa marraine-idole, vivre avec sa meilleure amie. Quand elle serait grande, bien sûr! Rêve vite brisé. Voyons, une fille peut juste se marier avec un gars! avait fermement déclaré Natasha. Sophie n’avait osé la contredire, même si elle avait cru entendre le contraire dans sa famille.
En débarquant chez sa marraine, tout s’éclaira. Le condo était bondé, les deux familles, des amies, toutes et tous festoyaient avec Mathilde et Chloé. Pour la première fois, Sophie comprit que les deux femmes étaient amoureuses! Elle s’émerveilla de les voir radieuses, tellement belles, vêtues d’étoiles, de lune, de soleil et de mer!
Les amantes célébraient leur union à leur façon, sans loi, devant les leurs et à la face du monde. « Une sorte de mariage », lui glissa Gabrielle à l’oreille. Sophie n’avait pas besoin de cette explication, elle venait de trouver sa vérité. La Fée Lilith-des-Étoiles avait exaucé son vœu. C’était le commencement du monde, tout s’ouvrait. Tout comme Mathilde et Chloé, Sophie passait de l’obscurité à la lumière. Elle pourrait rester amie avec Natasha et un jour, elle rencontrerait une amoureuse. Elle aussi!



[i] Le féminin inclut le masculin

*********************************************************************************

Première publication dans le journal Sortie de décembre 2014, pages 9 et 10. Merci de ne pas reproduire en tout ou en partie, sous quelque forme que ce soit, sans l'autorisation de l'auteure.




© Colette Bazinet 2014

jeudi 11 décembre 2014

Conte de Noël lesbien pour tous et pour toutes

   Je me suis bien amusée. Je ne sais pas s'il est bon, il s'agit de ma première tentative dans le genre. De plus, j'ai toujours été nulle pour raconter des histoires. Mais voilà. J'ai reçu un appel d'Olivier Poulin, directeur général en fin de mandat de GLBT Québec (récemment rebaptisé Alliance Arc-en-ciel), me demandant si écrire un conte lesbien pour le journal Sortie de décembre m'intéressait. Quelqu'un d'autre, un homme, je présume, en écrivait un gai. Alors, je me suis lancée !
   J'ai eu bien du plaisir. Le défi exigeait bien de l'élagage puisque le texte devait tenir en 1000 mots et je disposais d'environ deux semaines avant la date de tombée, en tout cas, moins de trois. De plus, je désirais plonger dans des mythes anciens, antérieurs au christianisme. Super stimulant!

Alliance Arc-en-ciel de QuébecOlivier quitte cette semaine l'Alliance, dans l'espoir de relever d'autres défis, comme le veut l'adage. Je lui souhaite bien du plaisir et du succès, mais je tiens surtout à le remercier pour sa contribution à nos collectivités ainsi que, sur le plan personnel, pour les opportunités qu'il m'a offertes tant en écriture qu'en animation. Olivier est un homme qui cherche à valoriser les contributions de chaque membre de la communauté.

Un nouveau dg est arrivé, Yvan Fortin, un autre individu engagé et connu dans le milieu. Je suis certaine qu'il saura rallier les communautés, tout comme Olivier l'a fait.


   En tout cas, si vous avez le goût de lire ce texte, le numéro de Sortie  devrait sortir (sans pléonasme) le 16 décembre 2014. Un conte de Noël, c'est pour tous et pour toutes!





© Colette Bazinet, 2014

dimanche 26 octobre 2014

4 dodos, 1820 km

   Qui dit que tout est fermé à l'automne en Gaspésie ? Nous revenons d'un voyage de prospection.
Prospection pour l'été 2015 : si nous y allons en voilier, où entreposerons-nous ce dernier pour la saison hivernale suivante ? Alors, voilà, mardi matin, nous avons plié bagages et larguer… non, nous n'avons rien largué, j'ai pris le volant, simplement. Première étape : Sainte-Anne-Des-Monts.
   Nous avons soupé avec des soeurs de Saint-Paul, communauté religieuse qui m'a enseigné à Madagascar. J'avais rencontré des religieuses ayant vécu là en 2006, lors de notre escale en voilier. Nous avons gardé contact et Soeur Bernadette m'a même permis de retracer une amie de l'époque que j'ai pu revoir, l'an dernier, dans la campagne portugaise où elle vit et travaille depuis plus de 25 ans. Petite, toute petite planète.
   Arrêt à la station-service de l'anse Saint-Louis. Beau mouillage, on voit des installations de port de pêche. Musique extérieure, essence, dépanneur, quatre hommes sirotent un café autour d'une table ronde. Je pense à Bagdad café, à Gaz bar blues. Les images me ramènent au cinéma, aux films que j'ai aimés. Ma compagne entend à la radio une fusillade à Ottawa, on ouvrira la radio tantôt. On s’informe auprès des hommes attablés, ils nous recommandent au pharmacien du village pour ce qui touche à la plaisance. Le pharmacien. Vu, croyons-nous, dans le documentaire Quais-blues. Décidément, le blues a la cote. Une affaire encore, avec celle des phares, dont le fédéral se déleste. Trop lourdes pour les petites municipalités. On commence à rêver.
Dans la voiture, on écoute, périmètre de sécurité, confinement, combien de tireurs. Après un moment, on ferme. L'information tourne en boucle, dans l'attente de confiner en direct un nouveau bain de sang. Et le mort d'hier lui, il ne compte plus ? Pas mort à Ottawa, banal. Je pense aux jeunes femmes mortes à Polytechnique. Un faux argument pour restreindre les droits, il reste pourtant si peu de démocratie. À quand les mesures de guerre ?
   Le soleil brille pourtant. Des paysages à couper le souffle. Gaspé, on s'informe : les prix, avec ou sans ber. Percé débouche dans un tournant, je l'attendais, immanquablement planté là. Ma compagne prend une photo du haut de la côte. Ce sera la seule du rocher, nous n'arrêtons pas ! Je suis moi-même surprise ! J'aurais pu. On en rit. Elle pose la carte régionale : le tour de la Gaspésie.
vue au travers un pare-brise
crédit photo: © Chantale Côté, 2014
  Nous nous arrêtons dans presque tous les ports. Rencontre d'une charmante horticultrice, d'un crevettier qui nous montre un crabier et un homardier, le premier est un homme et son bateau, les derniers, les bâtiments seulement. Arrêt comme prévu au centre des femmes de Bonaventure, on m'achète un exemplaire de Trabouler. Oui j'en ai toujours à vendre. Placotage avec Michou. Plus loin, Julien nous entretient des plaisirs de naviguer dans la baie des Chaleurs. Chez le poissonnier de Carleton, on vend un peu d'accastillage. Ancienne coopérative. À Dalhousie, on nous reconnait, on s'est croisés à la marina de Rimouski cet été. Souvenir d'un brouillard superbe.
   Avec les « villages-relais », aucune inquiétude à se loger tout au long du parcours.
   Dernière nuit à Edmundston au Happy motel. Étonnante rencontre avec Georges Albert Côté, passionné d'histoire, de généalogie et de moto qui gosse du bois. Il donne à chacune une figurine et des documents afin que nous revenions au Nouveau-Brunswick. Entre temps, il y a eu d'autres morts, d'autres attaques, avec ou sans prétexte vicieux. Je m’endors tôt, on a mis le téléviseur sur le poste « feu de foyer avec crépitements ».
   Samedi, retour à la maison. Folle escapade. Des volées d'oies et d'outardes nous accompagnent et nous croisent. Qu'une journée de pluie, hier. Arrivée, on s'installe. Il faut continuer à rêver, s'accrocher à la réelle beauté du monde. L’horreur existera toujours. La beauté aussi. Le beau, ici, inclut le bien. À la façon des anciens philosophes.




© Colette Bazinet, 2014



lundi 13 octobre 2014

Quand un séisme porte plus à rire qu’à pleurer


Je roulais tranquillement quand les nouvelles radios ont commencé. Je n’en croyais pas ce que j’entendais. Le Vatican estimerait que les homosexuels auraient des dons, des qualités !

Je suis partie à rire de tant d’imbécilités, que les imbéciles me pardonnent ! Je ne suis plus capable d’en pleurer, c’est la colère qui vient.

En gros se tiendrait un synode ou une tentative d’ouverture sur des humains normalement constitués, mais catholiquement et socialement (encore hélas !) marginalisés, ostracisés.

Je suis donc allée lire l’article sur le site de Radio-Canada. Un séisme, selon un expert. Les homosexuels ne seraient pas qu’intrinsèquement désordonnés, on voudrait mettre un bémol à ce vocabulaire. Pas le balayer ! Cela déplairait et il ne faut pas compromettre la doctrine !
Le Vatican estime dans un document présenté lundi, à mi-parcours du synode sur la famille, que les homosexuels « ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne ».

Non, ce n'est pas vrai, ils en sont toujours que là ! Leur document ajoute : « Sans nier les problèmes moraux liés aux unions homosexuelles, il faut noter qu'il existe des cas où l'entraide, jusqu'au sacrifice, constitue un soutien précieux à la vie des partenaires ». Bon, allez lire l’article, ici.

Je n’ai qu’un mot, une pensée, pour tous les membres de la diversité sexuelle qui luttent au sein de cette institution pour défendre leurs croyances. Je leur souhaite bon courage, ne lâchez pas. Cette lutte reste nécessaire.




© Colette Bazinet, 2014 

jeudi 9 octobre 2014

Nouvelle mouture

Ça y est, la cinquième édition du festival littéraire Québec en toutes lettres est lancée ! Du 9 au 19 octobre 2014, la thématique Doubles et pseudos sera traversée dans tous les sens par les arts littéraires et des créations issues ou inspirées des quatre coins de la francophonie. L'oeuvre d'un maître du canular, Romain Gary, sera à l'honneur.

J'aurais aimé des mots officiels de la soirée d'ouverture qu'ils me mettent l'eau à la bouche en me présentant davantage la programmation, plutôt que de tant insister sur l'ouverture — même si très attendue — de la Maison de la littérature pour le prochain festival. Mais Gary : brûle ! s'en est chargé. Lecture théâtrale d'extraits d'oeuvres et d'entrevues de Roman Kacew, plus connu sous son nom de plume Romain Gary (brûle ! en russe) et son pseudonyme Émile Ajar (cette fois, signifie braise) qui lui valu un second prix Goncourt (alors qu'une personne ne peut en recevoir qu'un dans sa vie!). Les comédiens débutent avec leur propre dualité et une tonalité à la fois sobre et enveloppante est donnée par le basson de Yana Ouellet. Le spectacle fait la tournée des bibliothèques durant le festival.

Une quarantaine d'activités jalonne ces dix jours, avec 200 artistes et écrivains à l'oeuvre. J'ai mon macaron et je compte bien en abuser !





© Colette Bazinet, 2014

mardi 26 août 2014

Coin d’ombre, coin de soleil


Camping Desmeules, Desbiens
Tente dressée sous les bouleaux et les saules, rivière aux pieds, trois kayakistes défilent, papotages lointains des voisins, les huards se promènent non loin d'ici, brise du nordet, déjeuner plantureux, bonne compagnie, on gratte du ukulélé ; la journée s’annonce belle.
Après un mois passé à bord de L’Opium XXX, je petit voyage autrement. Visites d’amies et de famille non atteignables par voie navigable. Chalet, camping. J’étrenne un matelas autogonflant qui ne porte rien de moins, comme nom, que celui de dream. Un rêve ! Mélange d’air et de mousse prétendue intelligente. J’ai fait autant d’insomnie que d’habitude, mais tellement confortable !
Je soigne mon veuvage des bleuets en rejoignant ma compagne sur les lieux sacrés. Fin du deuil. Cependant, suis-je apte à relever le défi ? Je crains ne pas avoir le courage de me lever à cinq heures du matin pour l’accompagner sous la chape de plomb soleil-chaleur, le temps de cueillir et de prendre quelques photos. Nous dormirons ensemble quand même, n'est-ce pas ?
idem




Installée à l'ombre sur le rivage, en plein dilemme éthique, je savoure égoïstement le fruit de son labeur.





© Colette Bazinet, 2014

dimanche 27 juillet 2014

L'été, je cesse d'écrire

   J'avais pourtant apporté tout ce qu'il faut : portable, manuscrit, carnets et cahiers. Stylos et papier également. Rien à faire. Le soir venu, tout mon être dodelinait au gré des flots. Je surprenais ma compagne en pleine lecture. Pire, elle — que l'écriture rebute — rédigeait son journal de voyage alors que je demeurais les yeux dans le vague. Ou dans la vague, ou dans l'onde éolienne, je ne sais plus. Le monde à l'envers !
Rivière-du-Loup, crédit photo Chantale Côté
   À partir du moment où j'embarque, quelque chose change. Un je ne sais quoi, un rien, une pacotille. Suffisante, tout de même, pour altérer mes projets. À moins qu'il n'en reste qu'un seul : lever les voiles. On largua les amarres, les voiles en ciseaux — une allure au portant qui demande une attention soutenue — jusqu'à notre premier mouillage au sein d'un sillon entre deux îles de l'archipel de Montmagny. L'ancre y fut mouillée. J’avoue, je me suis envasée en frôlant la batture. Nous en profitâmes : moment parfait pour la pause café. Nous nous exécutâmes: expressos accompagnés de galettes maison à l'avoine et aux raisins. Le montant souleva et dégagea le quillard; nous nous dirigeâmes vers le lieu anticipé pour y veiller et dormir. Ensorcelée. Les projets d'écriture s'envolaient.
   De son côté, le journal de bord était tenu avec rigueur, je vous assure. Météo, analyse des marées et courants, route prévue, route tenue. Ma responsabilité : je suis skipper. Les bris, les bons coups et les autres, les anecdotes, les rencontres, bien des éléments sont inscrits. En marche, je fais un peu de zèle : je note aux heures notre avancée. En mer, cela s'effectue au quatre heures. Toutefois, sur le fleuve, j'estime qu'avec les difficultés inhérentes à cette navigation, parmi les plus difficiles au monde, je ne peux prendre trop de précautions. Et mes soirées passent bien souvent en planification quoique je suis souvent dérangée par les couchers de soleil, les nuits étoilées, les colonies de pingouins qui papillonnent autour de nous, les phoques, bélugas et autres mammifères marins qui s'ingénient à nous embellir la vie. Alors une phrase s'inscrit sur un bout de papier entre des calculs de renverse de marées et de courants — non simultanées afin que rien ne soit simple —, une autre sur un brouillon de météo maritime pris au vol sur la fréquence de la garde côtière. Des ébauches de haïkus se glissent dans la paperasse. Puis des moustiques me rendent une nuit infernale et donnent naissance à un texte… Et la rédaction du journal de bord se poursuit.
   L'été, je cesse d'écrire parce que j'écris sans cesse. Le vent soulève la plume.



© Colette Bazinet, 2014

mardi 24 juin 2014

Que la route est belle! Pourtant, il pleuvait.

Ma compagne s'est prise d'affection pour les livres audio. Elle vient d'achever Le Liseur, de Bernhard Schlink et s'apprête à le rapporter à la bibliothèque quand nous recevons une invitation. « Accepterais-tu de l'entendre à nouveau ? » Elle acquiesce. Un de ses préférés, affirme-t-elle. Elle lit ces disques compacts.
Ce roman a donné lieu à un film, vu. J'avais adoré. À l'aller, nous écoutons une première heure. Dieue que la littérature est riche !

bande-annonce du film 


Deux journées merveilleuses passées en compagnie d'amies. Au retour de La Baie, nous optons pour la route longue : longer le Saguenay, puis le fleuve. Un détour de cent kilomètres, une soixantaine de minutes ajoutées à l'audition. Sans compter la pause pour diner, celle pour un café ou cette autre pour se dégourdir les jambes. Je demeurerai pudique quant aux autres arrêts. À l'arrivée, nous restons dans la voiture, attentives aux dernières minutes du récit.

Près de quatre heures silencieuses, toute à l'écoute de la honte relatée, de l'horreur, de l'amour, de l'anesthésie, de l'héritage laissée par la génération qui précède. Je n’aime pas avoir lu un ouvrage avant de visionner le film qui en découlera. Je vis toujours une frustration. Au contraire, référer au bouquin après avoir vu sa version cinématographique donne une profondeur et ajoute tant de dimensions à l'histoire et aux personnages ! J'en tire plaisir, émotion et réflexion. Des affirmations paraissent peut-être parfois gratuites, les mots, jamais. Plus je lis, plus j'écoute, plus j'aime les mots sous toutes leurs formes. 

Ainsi, en avril dernier, dans le cadre de la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur j'ai exploré le spectacle littéraire. Peut-être le terme est-il trop fort. Une lecture en musique ? Pas un texte intégral, non, des extraits de Trabouler. Manon l'accordéon a créé une trame originale et nous nous sommes produites. Je voulais sortir le texte de ses lieux usuels, rejoindre des gens là où ils travaillent, sur leur heure de diner… et d’autres dans la résidence où la perte d'autonomie les confine. 

Trabouler en musique était né.



Pratique avec Manon Hamel  C&C, 2014













© Colette Bazinet, 2014

mercredi 21 mai 2014

Vous dites mythologies?

Je poursuis la petite réflexion amorcée lors de mon bref passage au Congrès Boréal. Mention : insérée dans la pochette remise à l'inscription, le numéro 189 de Solaris, revue de science-fiction (SF) et de fantastique. Je reviendrai sur un article qui complétait parfaitement mon questionnement.

Lors de mon dernier billet, je discutais des archétypes, bien pauvres en nombre, du genre féminin. Aujourd'hui, j'aborde les empreintes mythologiques. Rappel du titre de l'atelier : Pourquoi la mythologie et les genres sont-ils de grands alliés ? Religiologue et sociologue de formation, il va sans dire qu'il s'agit là de sujets qui me titillent. Toutefois, je souligne être néophyte des littératures de l’imaginaire.

***

Alors voilà. Les protagonistes invités, dans un premier mouvement, mentionnent les mythologies grecques, romaines, voire celtiques. L’une avance qu'elle explore actuellement des mythes inuit. Finalement, la doyenne rappelle l'existence de ceux appartenant à d'autres cultures, notamment africaines ou asiatiques. Surprise : aucune référence aux mondes judéo-chrétiens ! Je trouve cela très intéressant. Est-il plus ardu de reconnaître la richesse des représentations issues de nos héritages religieux directs ? Je me suis d'autant plus posé cette question, centrale dans mon roman Trabouler, quoique j’y fasse davantage référence aux mondes sémito-chrétiens plutôt que strictement judéo.

Je me rappelle avoir eu une préoccupation — qu'un auteur ne devrait jamais avoir : je craignais de tomber dans l'ésotérisme ou de sembler me prétendre gourou. Est-ce lié au fait qu'il s'agissait de cette famille mythologique ? Je me rends compte que je retiens ma tendance à flirter avec le fantasy ou le fantastique. Maudite autocensure ! D'autant plus que dans ces genres, pour le peu que j'en ai lu, laisse une large place à une morale souvent bipolarisée : luttes entre le bien et le mal — que je m'amusais à barouetter un peu. Un auteur me dira que cette bipolarisation morale s’avère moindre dans les écrits plus récents. Tout de même, elle demeure discrète, voire de mauvais goût dans la littérature dite générale.

Je lis le texte Le Vatican et les Extraterrestres, par Mario Tessier (Solaris). Il m'instruit d'une réflexion sur les rapports entre théologie, science et science-fiction. Un encadré rappelle également l'intérêt des Jésuites et de diverses fratries utilisés en SF. Finalement, j'y pense, eh oui, le diable, l'apocalypse et moult figures ont été utilisées dans l'écriture de l'imaginaire. Me voilà rassurée. Mais pourquoi n'ont-elles pas été nommées lors de l'atelier ? Pudeur ? Dissociation conceptuelle ?

Pour ma part, je retiens que j'ai beaucoup à apprendre du métier d'écrivain et, surtout, à ne pas hésiter à lâcher encore plus lousse la folle du logis.





© Colette Bazinet, 2014

lundi 12 mai 2014

Archétypes et imaginaire

   J'ai vécu mon premier Congrès Boréal, début mai. Congrès de la littérature de l'imaginaire, du fantastique, du fantasy et de la science-fiction. Rendez-vous annuel à ne pas manquer, semble-t-il. Cette année, en le voyant annoncé sur FB par une de ses inconditionnelles, je me suis dit, go ! pour la journée du samedi. Une première fois, quand même ! Très stimulant.
   Ces rendez-vous permettent de se ressourcer, de stimuler la créativité, de rencontrer, de deviser… et de constater certaines « avancées », mot mis sciemment entre guillemets. J'assistai donc à quelques ateliers, dont celui-ci : Pourquoi la mythologie et les genres sont-ils de grands alliés ? Genres pour genres littéraires. J'ai eu deux surprises, aujourd'hui il sera question de la première.
   Causer mythologie amène rapidement les protagonistes invités à associer mythes et archétypes. Je ne discuterai pas ici de la pertinence de cette association, mais bien de ces derniers, plus précisément ceux qui concernent le genre, non pas littéraire, mais le mâle et la femelle. Comme dans Gender Studies
  Voilà que Marie de Bulle nous indique que lors de son cursus universitaire, il a été mentionné cinq (5) archétypes pour les personnages féminins : la mère, la vierge, la putain, la guerrière et la sorcière. Je reste estomaquée. En particulier, elle confirme qu'il s'agissait d'un cours de 45 heures, le seul traitant du sujet. J'ai oublié de demander s'il était obligatoire ou optionnel. 
   Cinq ! Après tant d'années de féminisme — que certains prétendent révolu —, les lettres sont passées de trois référents à cinq. De la vierge (et) mère et de la putain, des universitaires sont arrivés à décliner la vierge en guerrière, et la putain en sorcière pour un total de cinq modèles. Point. Pendant ce temps, Sébastien Chartrand attirait l'attention sur l'émergence de nouveaux archétypes, notamment « le méchant colonisateur ». Eux, ils ont continuellement des modèles qui se déclinent, se nuancent, se créent. 
   L'imaginaire de qui, pour qui, pour quoi? 
  En toute fin, Élisabeth Vonarburg rappellera l'importance des écrivaines féministes dans la réécriture des contes.

   Le second constat sera l'objet du prochain billet (si rien ne s'introduit d'ici là!).




© Colette Bazinet



   


lundi 28 avril 2014

Au sud-ouest de Trois-Rivières



J’avais noté : les Westfalia ont recommencé à fleurir. Nous sommes sur la bonne voie. L’hiver ne nous l’a pas fait facile cette année : long, neigeux pluvieux sur la fin, et froid, et froid. Depuis un mois au moins nous attendons les signes inéluctables du printemps; ils manquent. Tant de pluie et de neige que les embâcles et débâcles ainsi que les niveaux des rivières et des autres, sont hautement surveillés. Nous empruntons la route de la rive nord, direction Montréal.
La première partie du trajet s’accomplit sans surprises. Neige sous les arbres, débit et volume impressionnants des cours d’eau franchis. D’importants amas de glaces échouées et empilées trônent sur les rivages. Nous passons Trois-Rivières. Enfin, des outardes. Plus loin, les oies sauvages. Escale vers le nord, bon augure.
Fin de semaine grise. Dimanche, après les funérailles à Pointe-aux-Trembles, dans un salon sis dans un cimetière moins connu, parce que moins catholique, nous entamons le retour. Le soleil se pointe. De part et d’autre du chemin, le lac Saint-Pierre et le fleuve s’étalent et traversent les terres. Les deux rubans de la 40 surnageant, des bosquets surgissent d’îles sous-marines. Les champs submergés abritent les milliers d’oies. D’autres innombrables dansent, droit devant, scintillants sous les rayons obliques du couchant. Définitivement, le printemps. Je ne sais si tu vois cela d’où tu es, si tu es. Un bien bel envol! Salut Pierre!



© Colette Bazinet, 2014

mercredi 2 avril 2014

Jamais deux sans trois en avril!


Le mois d'avril s'annonce fertile: la causerie Sortir un livre de soi se tiendra au Centre-femmes d'aujourd'hui à Sainte-Foy et je soulignerai la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur par non pas une, mais deux représentations de «Trabouler» en musique, avec l'accordéonniste Manon Hamel. En ordre chrono, cela donne:

Le 16 avril 2014 à 13h30: Sortir un livre de soi
Le Centre-femmes d'aujourd'hui m'a invitée à tenir un café-rencontre. Cette causerie sera l'occasion d'un partage de mon expérience de la non-écriture à la publication d'un premier roman, Trabouler. Les participantes sont également conviées à faire part de leur propre rapport à la littérature sous toutes ses formes. La rencontre se termine par un exercice d'écriture festif.
Le 16 avril 2014, de 13h30 à 15h30 au Centre-Femmes d’Aujourd’hui, 1008, rue Mainguy, Québec      418 651-4280 
−−−−−−−−−−−
Puis le 23 avril, Journée mondiale du livre et du droit d'auteur, deux représentations de:
À l’affiche : «Trabouler» en musique 
Le livre profitent de la journée pour sortir de ses lieux usuels. Séjour à l’hôpital Saint-François-d’Assise et au centre pour personnes en perte d'autonomie Saint-Jean-Eudes. À l’affiche : des extraits du roman  Trabouler mis en lecture et accompagnés par la musique de l'accordéoniste Manon Hamel. Le tout servi dans un climat où mots et harmonies offriront une pause onirique, un accès au monde imaginaire. Trabouler signifie « passer au travers ». Une jeune femme amnésique est recueillie par l’aubergiste d’un village de la Côte-du-Sud. Une histoire de résilience sur fond de paysages fluviaux. 
Bien sûr, en cette journée laissera une place au droit d’auteur et à la vie d’écrivain.
Le thème 2014, Affichez-vous avec votre livre! vous invite à trimbaler  votre bouquin préféré ou celui en cours de lecture toute la journée! Discutez-en!

Le 23 avril 2014
Dès 11h30, spectacle à midi, à la cafétéria de l'hôpital Saint-François-d'Assise, 10, rue de L'Espinay, Québec
À 13h30 à l'auditorium du centre Saint-Jean-Eudes, au 45 rue Leclerc, Québec

© Colette Bazinet 2014

samedi 22 mars 2014

Tirés par les cheveux, les personnages?

Créer un personnage, quel plaisir ! On lui donne un sexe, un âge, un style, un passé, une vie… et on le baptise ! Quoique je ne sois pas si sure de cela non plus, le personnage ne s'impose-t-il pas avec son histoire, son nom, etc. ? Peu importe, parfois je crois que c'est tiré par les cheveux. Je me demande… hum, je n'exagère pas ? Prenez l'histoire d'un prénom. Celui de l'aubergiste de l'Hôtel du Village dans mon roman Trabouler.
Dans ce roman, deux mondes se côtoient : le monde sémite antique — celui de l'histoire sainte comme disaient les anciens — et le Québec contemporain. Je ne me rappelle pas dans quel ordre c'est arrivé. Chose certaine, j'extirpais la prostituée de l'Ancien Testament, celle qui accueille les voyageurs. Accueillir les voyageurs, le plus vieux métier du monde. Je l'ai appris lors d'une formation en emploi à notre honorable ITHQ (Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec). La prostituée de Jéricho était donc aubergiste. Elle se nomme Rahab.
Dans le village de la Côte-du-Sud, il y a un hôtel et son bar tenus par une ex-toxicomane, celle qui trouvera et hébergera la femme amnésique. Comment la prénommer ? Je tire — ou elle tire — par les cheveux et voilà : elle s'appelle Rahab ! Comme celle de l'Ancien Testament ! Rahab Boisvert, Québécoise pure laine, avec un nom de famille attribué Premières Nations, Boisvert. Bon, je change un peu l'orthographe, j'écris Ra'ab pour l'ancienne, Rahab pour la nouvelle et grimace de cette gymnastique trop évidente.
Eh bien non, c'est raté, je n'ai rien inventé du tout, rien exagéré, rien tiré par les cheveux. En donnant une causerie au centre des femmes de Beauport, une des participantes, Aline, raconte : « Mon arrière-grand-mère est née à Tadoussac et a vécu à Baie-Sainte-Catherine, et bien comment s'appelait-elle ? Rahab Savard ! » Elle apprenait enfin d'où ce prénom venait.

Comme quoi, bien quoi ? Qu'est-ce que vous voulez que je dise ?


© Colette Bazinet 2014

mercredi 26 février 2014

À vos agendas: Vues parallèles s'en vient!


du 27 au 30 mars 2014 au cinéma Cartier


Vous dire comme j'ai hâte ! Je suis une fan finie du cinéma LGBT : moment de rassemblement, de rires, de pleurs, de colères bref, de toutes ces émotions soulevées par le 7e art. Ces manifestations permettent de suivre l'histoire géosociopolitique de nos communautés lesbiennes, gaies, bi et trans, de prendre le pouls, de se familiariser avec les gens d'à côté. Fictions, documentaires, courts et longs métrages, j'ai appris sur les réalités qui me sont moins familières, je me suis divertie, j'ai fait des sorties en amoureuses, rencontrées des gangs de chums… Je fréquente Images+nations, version montréalaise rendue à sa 26e édition, depuis ses débuts. J'en ai sauté fort peu, même depuis que je vis dans la vieille capitale et malgré mon anglais souvent déficient (surtout les quinze premières années). De bonnes âmes m'aidaient. Il fallait que je sois motivée ! Et voilà que quelques maniaques se sont lancés dans l'aventure à Québec et ont créé le festival Vues parallèles.

Ces courageuses et courageux passionnés proposent une troisième mouture du 27 au 30 mars 2014, au cinéma Cartier. Cette première collaboration avec le Cartier offre de nouvelles opportunités : qualité de diffusion, possibilité de projections en parallèle (sans jeu de mots), salles mieux aménagées, plus grand confort. En effet, Vues parallèles se bonifie à chaque édition. Lors de la première assemblée générale, tenue le 17 février dernier, de belles nouvelles nous ont été transmises. Alors là, quel coup de coeur !

Du côté des filles

D'abord, réservez votre samedi soir. Le 29 mars. Il y aura simultanément un film de filles et un de gars ! Pour le reste, je l'ignore : la programmation complète devrait paraître la première semaine de mars. Toujours est-il que je dois vous parler d’une perle que je reverrai !

Vous aimez les histoires d'amour, ou les biographies de femmes remarquables, ou les faits vécus, ou les paysages ? Tout cela est réuni dans un même scénario, Reaching for the moon (Flores Rares), production brésilienne 2013. Et contrairement à Montréal, ici un effort fou est fait afin d'obtenir des sous-titres en français. À ne pas manquer !



bande-annonce de Reaching for the moon / Flores Rares
http://www.youtube.com/watch?v=654X8V2bwA0


De plus, présence d'invitées et d'invités d'honneur. On ne nous a rien soufflé, mais je soupçonne qu’il s’agit, entre autres, de la réalisatrice de la récente web-série sur http://lezspreadtheword.com/


À retenir :

La programmation sort dans la première semaine de mars. À surveiller sur : http://www.vuesparalleles.org/

Vues parallèles se tient du 27 au 30 mars 2014
Au cinéma Cartier, 1019, rue Cartier, Québec



© Colette Bazinet 2014



mercredi 12 février 2014

Quand la mémoire s'éclate

J'avais appris la chose à 14 ou 15 ans. Le zéro absolu, l’échelle Kelvin. Je connaissais son équivalent en Celsius — centigrade si vous préférez. Tout le temps. N'importe quand. Sur demande ou sans demande. Puis l'information a sommeillé dans quelques circonvolutions d'un hémisphère cérébral, blottie au sein d'une synapse dormante. Mais je savais que je savais. On aurait pu me la demander à brûle-pourpoint, pour le plaisir d'épater la galerie. Quelque 40 années plus tard, ma copine suit un cours de photographie numérique. Elle arrive donc un jour avec les notions de température… des couleurs. Nous dérivons un peu, et soudain, amusée, je déclare et je l'ébahis avec le zéro absolu !
La réponse était sortie comme une bulle qui explosait. J'étais fière.
J’ignorais que je venais de diluer, de dissoudre à jamais cet absolu. Il ne répondrait plus à l'appel.
On aurait dit qu'il avait attendu tout ce temps pour ce moment d'éblouissement. Là, plus rien. Je dois chercher la solution sur le Web.



© Colette Bazinet, 2014

samedi 8 février 2014

trois nus


Immobilisé sur le lit au milieu d’une roulade, un bambin scrute, attentif et songeur. Au mur, trois fusains. Des esquisses, exercices de réchauffement lors d’une séance avec modèle vivant : une femme bien en chair se décline en trois tableaux. J’abhorre m’introduire dans ces espaces privés des enfants. À voix feutrée, craignant d’induire un biais ou de briser ce moment sacré, j’ose une question : « Que vois-tu ? »
Il en pointe une du doigt : « Elle a mal. » Puis la seconde : « Elle pleure ». Tournant la tête vers la troisième, femme assise au sol, il ajoute : « Elle, bien, elle va se coucher ».
Rien sur la nudité. À cinq ans, il perçoit les émotions.
J’espère encore en l’humanité.


© Lucette Dion Bazinet, 1989
La femme qui souffre


© Colette Bazinet, 2014

lundi 27 janvier 2014

la neige me déménage

Le merveilleux avec l'écriture, c'est qu'elle se pratique partout, n'importe quand. Je devais revenir à Québec ce matin, voilà qu'il neige et qu'il poudre. Et bien je m'en fous ! Je sors mon ordi, portable il va sans dire, et m’installe au clavier. Je poursuis l'échange de courriel avec la responsable de la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur… je concocte une activité cette année encore — éternels problèmes informatiques —, me permets un petit tour sur ce blogue et, vite, vers d'autres textes et projets. Magique !

Venue pour aider ma mère à préparer son déménagement, la neige ne retarde pas mon retour, elle me transbahute dans l'imaginaire !


© Colette Bazinet, 2014


dimanche 19 janvier 2014

Je rentre à la maison




Les yeux dans les yeux
sans artifice
sans tchin tchin !
sans cloisons de verres qui nous séparent

les yeux dans les yeux
on se touche
une poignée de main
des poignées de main
chaleureuses

Des valeurs partagées
un meeting

Je reviens chez moi




© Colette Bazinet, 2014